Mars 2021, une conférence très attendue sur la position de l'homme dans son environnement.
STREETOSPHERE, UN VOYAGE AU COIN DE L'ART DE RUE
Encore un doc sur le street art ? Un graffiti surfing comme on en voit fleurir sur le web ? Non, Streetosphere c’est avant tout un concept imaginé par deux jeunes réalisateurs Quentin Largouët et Tanguy Malibert, avant d’être une série documentaire sur les cultures urbaines sur la chaîne Voyage. Une interview exclusive par Styl is Tika.
Mieux qu’un doc, c’est l’art de faire des rendez-vous, et un regard sur la condition créative et humaine. La ville « starisée », au centre de tout, vivante, habitée. Aire de jeux pour certains, galerie d’art pour d’autres. Grâce à une attitude très « friendly », notre duo s’immisce dans la vie de ces artistes de rue, connus, moins connus, quitte à mettre la main à la pâte. Ils n’ont pas de limite, si ce n’est le bon goût et la discrétion, et c’est ce qui me plaît.
A Paris, Londres, Prague, Lisbonne, les artistes de rue ont ouvert leurs portes à ce duo amical et soucieux de donner une autre vision de ces artistes, trop souvent associés à des taggueurs sauvages.
Un concept qui ne laisse pas indifférent. Alors du fond du canapé au café le plus proche, il n’y a qu’un pas, Styl is Tika, devenue accro à la série depuis novembre dernier n’a pas résisté, et est partie à la rencontre des ces nouveaux chevaliers du macadam.
Styl is Tika : Quand votre duo est-il né ?
On s’est rencontré à l’ESRA, l’école de cinéma de Paris 15. Nous étions dans le même groupe d’examen d’entrée. Depuis, on ne s’est plus quitté. Points de vue et compétences complémentaires, c’est ça qui bâtit les grandes amitiés.
L’atmosphère protège la vie sur la terre, absorbe le rayonnement solaire ultraviolet. Que fait Streetosphere ?
Streetosphere c’est un regard neuf sur la ville, une volonté de sortir les gens du quotidien, en les redirigeant vers la surprise, l’évasion. Elle protège les artistes de rue de l’étiquette « vandales », et change les clichés.
Une sorte de BB crème, elle fait beaucoup de chose à la fois !
Oui, l’émission soude les rapports, s’adapte à l’artiste. Il n’y a pas d’omniprésence du présentateur comme dans d’autres émissions. On ne veut pas franchir cette limite. Nos artistes sont nos héros. Quand on prend rendez-vous dans leur atelier, c’est dans la rue qu’on se retrouve. Nous sommes des guides d’un nouveau genre.
Se réapproprier l’espace urbain comme espace de jeu et de création, ça veut dire quoi pour vous ?
Les gens vivent tête baissée. Notre but : leur faire lever la tête. Essayons de voir autrement, voir la ville comme un support de jeu, pas comme un décor. Se réapproprier la ville, c’est aussi créer, émettre un message mais aussi lui abandonner sa création. L’exemple de Le 19eme Trou (épisode Paris) collectif de golfeurs urbains est très parlant. Yan Vorman (épisode Berlin), restaure les vieux murs avec des Legos. Yan met des petits personnages dans ses murs de Legos qui plaisent beaucoup aux enfants, qui se servent et ainsi se trouvent un nouveau jeu. Voici un artiste qui est un bâtisseur et un bienfaiteur.
Tous ces gens créent pour la ville, et la ville le leur rend bien. D’ailleurs, on leur demande toujours à la fin de chaque entrevue de dire un mot à la city.
Notre documentaire valorise ces artisans créateurs. Ils créent, s’improvisent inventeur pour leur art. Comme Mickael Haas (épisode Berlin) qui met le paint ball au service du tag !
Vous mettez aussi en valeur le green graffiti, sujet peu abordé en France ! Le degré suprême du street art, éphémère et non polluant ?
Oui, la police guette, alors les street artistes innovent et n’utilisent plus les mêmes supports, on taggue sur bâche, on varie les supports, ou bien on détourne des outils pour mieux servir la cause de l’art provisoire et vert. Streetosphere est là aussi pour montrer de nouvelles pratiques. L’exemple de Jim Bowes (épisode Amsterdam) est complet. Il utilise le karcher sur pochoir pour réaliser des fresques fleuries sur les trottoirs, et il en profite pour scénariser l’espace en le nettoyant. Un beau geste pour la ville ! Lui n’a jamais de problème avec les autorités !
Tranche de vie, ou tronche de rue ?
Notre tranche de vie, c’est les 4 ou 5 jours que nous passons à arpenter la ville. On met notre temps au service des téléspectateurs, on filme aussi les monuments principaux. Le but est aussi de valoriser notre capital historique et culturel.
On dirait plutôt une tronche de rue, pour nous la rue c’est notre réalité. La meilleure galerie est à ciel ouvert !
Qu’est ce qui vous touche le plus chez les artistes ?
C’est la passion, l’investissement, l’aventure, la prise de risque, qui est un mode de vie. Par exemple à Lisbonne, l’anglaise Camilla Watson rend hommage aux visages du quartier, à son histoire, en les photographiant et en transférant la photo sur les murs. Cela crée du lien social, ça perpétue la mémoire. Ça c’est une tranche de rue, donc une tranche de vie. Nous avons participé à l’installation de sa chambre noire, quelle ambiance, quelle émotion aussi. Autre exemple à Londres, ave Ben Wilson, sculpteur et dessinateur sur l’infiniment petit : le chewing-gum. Les gens lui demandent des hommages, hommages aux disparus, portraits. Son sourire et sa constance touchent tout le monde. Nous sommes restés avec lui un bon moment.
Quel est votre définition du style, ou plutôt du talent ?
Quand la simplicité est évidente. Ou plutôt devrait-on se demander ou s’arrête le talent et ou commence le style ? Par exemple Clet Abraham et ses stickers sur panneaux de signalisation, c’est le talent pur.
C’est la subtilité aussi. Avoir du style c’est être sincère. Etre efficace, surprendre, sans en faire des tonnes.
Un peu comme la nouvelle modestie, prônée par Lagerfeld !
Oui, c’est un nouveau tempérament. Une naïveté réfléchie.
Parlez-moi du style Streetosphere, de la musique qui instaure un vrai climat..
Notre identité visuelle est liée à notre matériel, on opte pour l’easy, avec un Canon 5D mark II, qui permet de filmer en mouvement, et de voyager léger. La technique ne doit pas importuner l’artiste. L’autre élément fort, c’est le style musical, un éventail d’électro et de guitare sèche. Charles Michaud est notre artisan musicien, entre électronica, triphop, hip électro. Et Etienne Gros est à la guitare.
Streetosphere c’est un esprit. C’est une petite équipe, un esprit positif, un côté amical, un côté tribal. On est plus sport collectif qu’individuel ! C’est la confiance, et donner confiance. Les artistes s’expriment mieux s’ils ont confiance.
Nous aimons donner des rendez-vous et monter l’artiste à visage découvert !
Autre point important qui signe aussi le style Streetosphere, c’est qu’il n’y a pas de doublage du son original, nos docu sont sous-titrés. Un artiste, c’est un personnage, une voix originale. On ne voit pas l’intérêt de masquer tout ça. C’est une grande victoire pour nous d’avoir obtenu ça.
Parlez-moi des projets. Après la Streetosphere, vous visez l’espace ?
On va aller plus loin. On aimerait bien explorer d’autres continents, l’Amérique du Nord, du Sud, l’Asie. Le but est d’être au programme de multiples chaînes ! On n’a pas le barrage de la langue, donc on est libre. L’espace alors oui, si tout se passe bien pour nous.
Alors on vous souhaite le meilleur. Merci Quentin et Tanguy !
A la fin de cette interview une réplique me vient à l’esprit : Streetosphere, Streetosphere, est-ce que j’ai une tête de Streetosphere, se dit l'Arletty version 2012 à l’hôtel du Nord, face à un mur, bombe à tag à la main.
Streetosphere est une série documentaire de 8 x 26 minutes, produite par La Compagnie des Taxi-Brousse pour la chaine Voyage
Streetosphere sur Voyage, la chaîne qui vous fait avancer avec des concepts futés et parfois décalés.
Série diffusée depuis novembre 2011 - Rediffusion tous les jours à 11h35 et à 23h40
Les coups de cœur Styl is Tika
Clet Abraham (épisode Rome),
un stiker, et le panneau se fait messager !
Yan Vorman (épisode Berlin),
les meilleures briques ne sont pas celles qu'on croit !
Damian et Jane Mitchell (épisode Prague),
une attitude très Lady Oua Oua, alors on en reparle très bientôt !
Jim Bowes (épisode Amsterdam), ou l'art du green graffiti !
Avec Ben Wilson, le chewing-gum se mâche,
se crache et renaît en tableau !
Crédits photos : streetosphere et La compagnie des taxis brousse