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Ad astra : tuer le père et revivre

Voici un Brad Pitt au meilleur de sa forme, d'une grande profondeur et justesse. Abandonné par tous, et sans doute bien plus par lui-même, son personnage, Roy McBride, va se dépasser pour mieux se retrouver. 

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Ad astra de James gray pose le décor tout de suite : l'homme au centre. Gros plans, voix off, Roy McBride (Brad Pitt) est omniprésent. On le sait : on va le "vivre" de l'intérieur pendant deux heures.

Un homme programmé pour le succès

Intérieur, concentré, c'est un militaire à la carrière programmée devenu astronaute, digne fils de son père (Tommy Lee Jones), parti rechercher des formes de vie extraterrestre. Enfin.. intérieur et largué ! En effet, sa copine Eve (Liv Tyler*), vient de le quitter. Roy a fait un beau parcours, mais est abandonné de toute part et se retrouve en pleine crise existentielle. 

Et ça se complique. - Attention spoilers - Roy est convoqué et se voit révéler un secret militaire bien gardé (Donald Sutherland tente de l’accompagner, mais il se fait trop vieux ;  ). Ce père, scientifique adulé et respecté, disparu aux alentours de Neptune, est bel et bien vivant et sa station spatiale déficiente menace la vie sur terre. Sa mission est de le contacter à partir de Mars et de le trouver. Coûte que coûte !

Voilà pour le pitch. On pourrait croire à un énième film hollywoodien, non, Ad astra est grandiose. Voici pourquoi.

 

Ad astra est avant tout un voyage intérieur

L’espace n’est que le décor. Fort beau d’ailleurs. Le réalisateur a fait appel à Hoyte van Hoytema, Directeur de la photographie, qui a travaillé sur « Interstellar ». Peu importe les étoiles, la destination, c’est le chemin qui est le voyage. Quant au réalisme scientifique ? Peu importe s’il y a mille incohérences, on n’est pas là pour découvrir le quotidien de Pasquet en station orbitale. On est invité ici à plonger dans les abysses de l’humain.

 

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Une peinture de soi

Ad astra est temporel : rythmé comme un bon roman, il vous plonge directement dans un espace-temps à part, vers les étoiles. James Gray vous prouve ici que le temps n’est pas une valeur fixe, comme l’univers, il peut s’étendre. 

Ad astra est chromatique : bleu, rouge, blanc, noir,… c'est un l’arc en ciel  propre au film qui nous comble visuellement et nous guide à travers les émotions de Roy (-l’arrivée "rouge" sur Mars est très belle).

Ad astra est musical : la musique faite par Max Richter est envoûtante et la voix de Brad Pitt parfaitement mesurée. Son timbre nous entraîne au plus profond de ses notes intimes. Sa mélodie personnelle sonne si juste (-le message personnel au micro destiné à son père est si profond, si simple).

Ad astra est rude : que de morts, blessés pour atteindre le but. La violence est le propre de l’humain, Roy tuera pour survivre, par obsession, par négligence (-l’attaque des pirates sur la Lune est spectaculaire).

Ad astra est amour : la douleur de la perte du père ou de sa compagne de vie est incommensurable, comme l’espace (-très doux moment câlin avec une Liv Tyler encore très jolie).

Ad astra est un choix : le choix du courage, d’aller au bout des choses, de ne jamais se laisser abattre, de survivre, d’aimer, et de recommencer (-Roy armé de son bouclier traversant les débris de Neptune est un grand moment visuel).

Comment subir le vide de l’espace, la douleur physique provoquée par l’isolement si nous n’avons pas l’amour ?

 

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Un numéro d’acteur hors du commun.

Je suis sous le charme, le visage de Brad Pitt planté dans les yeux, sur grand écran (on en rêve depuis longtemps). Mais sa beauté s’efface, pour ne plus voir que le cœur d’un homme ravagé par un deuil inachevé.

Au fond, il ne sait même pas ce qu’il cherche. Il veut seulement retrouver son père, le voir, lui dire qu’il l’aime, sincèrement, malgré l’absence, le vide depuis 30 ans. Voici un Ulysse à la recherche d’intelligence paternelle (et non pas extraterrestre). Malheureusement, son père n’a plus de cœur depuis longtemps..

L’humanité de cherche-t-elle pas à avoir des raisons d’aimer pour survivre ?

 

Le mythe de l’homme parfait

Roy est parfait, robuste, efficace, intelligent, pragmatique, comme son père. Mais le roc est fissuré : Roy souffre, alors il agit pour ne pas souffrir, il se contrôle. Notez la récurrence des contrôles psychologiques faits par l’Intelligence artificielle là pour nous rappeler à quel point cette société du futur est contrôlante).. Mais au bout du compte, quand il retrouve son père, il déchante. Son père est devenu fou, et il ne veut plus rentrer sur terre.

Roy doit trouver en peu de temps la réponse en lui-même. Accepter la décision de son père, le laisser mourir, alors qu’il est là pour là pour lui sauver la vie. Quel est le choix à faire ? Repartir seul. Sauver notre Terre. Sa vie dépend du choix qu’il va faire (notre vie n’est-elle pas la somme de nos choix). Il en prend conscience.

Aller au bout de ses limites nous autorise sans doute à être enfin nous-mêmes.

 

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Laisser exploser son cœur

Il n’est plus la mécanique bien huilée avec un pouls à 80. Il n’est plus l’incarnation de la performance, de la perfection humaine. Face au choix de sa vie, il redevient humain, il explose, crie, pleure, libère ses émotions enfin. Il sort tout ce que son cœur cachait, il se noie dans l’émotion pendant un moment ; il s’autorise enfin à avoir des émotions.

Il s’autorise aussi à casser le mythe du père parfait, la sommité intellectuelle.

Il doit accepter que son père est un vieux fou, totalement isolé et incontrôlable.

 

Il doit "tuer le père" pour revivre et aimer.

Ce père a dédié sa vie à la recherche spatiale et extraterrestre. Il a quitté notre monde pour aller toujours plus loin … dans le vide de l’espace ! Il a été obsédé par sa mission, sa performance : trouver des intelligences non humaines. Mais il constate qu'il n’y a que le néant.

Au bout du compte, son père n’accepte pas la défaite, encore moins son impuissance (ah, l'Ego) !

Roy doit mettre son propre Ego de côté et "tuer le père".

Roy change le paradigme de la recherche de vie extraterrestre

Roy a la sagesse d’accepter l’inacceptable : nous sommes seuls.

Il comprend la nature même de l’existence humaine, et notre place dans l’univers : EN FAIT, NOUS N'AVONS QUE NOUS-MÊMES ! Il le dit à son père : « tu n’as rien trouvé, que des cailloux, nous sommes seuls, il n’y a que nous ».

Roy tente de faire accepter l’inacceptable à son père : « Tu as donc réussi à prouver qu’il n’y a rien ! Père, tu as réussi ta mission ». Mais il est si difficile d’accepter de ne rien trouver....

Ne devrions-nous pas chercher à améliorer l’humain plutôt qu’explorer l’univers, coloniser, et tirer profit des ressources extraterrestres ?

Face à Neptune aux confins de notre système solaire, Roy comprend qu’il a le choix : s’Aimer assez pour survivre, rentrer sur terre et pouvoir enfin aimer l’autre… et recommencer à vivre.

 

* clin d’oeil de James Gray à Armageddon de Mikael Bay avec Bruce Willis (dont elle était la fille et la petite amie de Ben Afflec)

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